«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

mercredi 11 avril 2012

Orlando Furioso, le Dvd avec Marie-Nicole Lemieux chez Naïve.


Vivaldi: Orlando furioso

Marie-Nicole Lemieux (Orlando), contralto
Jennifer Larmore (Alcina), mezzo-soprano
Veronica Gangemi (Angelica), soprano
Philippe Jaroussky (Ruggiero), contreténor
Christian Senn (Astolfo), baryton
Kristina Hammarström (Bradamante), mezzo-soprano
Romina Basso (Medoro), mezzo-soprano
Pierre Audi, mise en scène
Patrick Kinmonth, décors et costumes
Choeur du Théâtre des Champs-Élysées
Ensemble Matheus
Jean-Christiophe Spinosi, direction
Naïve DVD DR 2148


Marie-Nicole Lemieux est un véritable plaisir à regarder, et à entendre bien entendu. Cet Orlando est une magnifique réussite. Grâce à une distribution tout étoile (Marie-Nicole, on l’a dit, mais aussi Jennifer Larmore, Philippe Jaroussky et Kristina Hammerström) et à la direction incisive de Spinosi (quel instrument quand même cet Ensemble Matheus!), cette production du Théâtre des Champs-Élysées devra tôt ou tard faire son chemin jusque dans votre lecteur!

On connaît l’histoire d’Orlando. Celui-ci arrive sur l’île dominée par la magicienne Alcina, à la recherche de celle qu’il aime, Angelica. Il est chargé de détruire Alcina en s’emparant des cendres de Merlin, source du pouvoir absolu sur cette île. Angelica est cependant amoureuse de Medoro et celui-ci sous le charme d’Alcina. S’ajoutent à cela les personnages de Ruggiero (un autre chevalier) et Bradamante (sa bien-aimée). Les quiproquos engendrés par la magie d’Alcina et les tribulations amoureuses de tout un chacun finissent par créer une trame bien emberlificotée, typique des intrigues baroques, mais sans humour. Tout ici est traité dans un sens dramatique.

C’est la musique de Vivaldi, glorieuse, qui attache toutes ces invraisemblances ensemble. C’est pour elle, vraiment, que nous prenons le temps aujourd’hui de monter, d’enregistrer et d’écouter cette œuvre qui s’avère magnifique. Malgré deux siècle d’oubli, c’est bien la partition flamboyante du vénitien qui nous a convaincu d’y reporter attention. On y entend défiler une succession d’airs tour à tour spectaculaires et poignants.

Les solistes sont tous très bons. Marie-Nicole tend à surjouer un peu, mais on lui pardonne facilement. Après tout, nous sommes dans un opéra baroque qui parle de magie et de preux chevaliers! La voix est belle et somptueuse. Jennifer Larmore, dont la voix a un peu vieilli, semble trouver sa grâce ici dans le personnage d’Alcina. Son large vibrato, qui m’agaçait autrefois est inscrit dans le tempérament du personnage, imposant et tempétueux. Philippe Jaroussky possède l’un des plus beaux instruments vocaux du monde lyrique. Son Ruggiero est sensible, déterminé, mais parfois fragile aussi. Kristina Hammerström est une touchante Bradamante.

Jean-Philippe Spinosi, je l’ai dit, dirige avec diligence et intensité l’Ensemble Matheus, qui répond à ses moindres inflections avec une célérité impressionnante.

La mise en scène constitue l’élément qui risque de faire le moins l’unanimité. On a campé l’action et les personnages dans une atmosphère très sombre, décors et costumes comme autant de teintes de gris, bleu foncé ou beige. Cette « épuration » a ses avantages : on y perçoit avec plus d’acuité l’émotion des personnages, peu distraits que nous sommes par une orgie de baroquismes visuels. Ceci dit, ce genre de production peut très bien bénéficier d’une mise en scène à « l’authentique ». La magie de ce genre d’histoire est aussi contenue, en partie du moins, dans la flamboyance typique de ce que l’on pouvait probablement voir à cette époque. Je demeure franchement ouvert en ce qui a trait aux visions des metteurs en scène à l’opéra. Mais je sais que ce n’est pas au goût de tous et toutes. Alors soyez avertis qu’Orlando baigne dans un dépouillement suggestif d’une forme épurée d’intériorité, plutôt que dans une réminiscence spectaculaire et historiciste.

Quoiqu’il en soit, cette production vaut absolument le détour!

Frédéric Cardin

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